Le 24 avril nous rappelle qu’en 1915, un million et demi d’Arméniens ont été exterminés par les autorités de l’Empire ottoman, parce qu’ils voulaient être libres d’être ce qu’ils étaient. Ce jour rappelle encore que ce crime contre l’Humanité est toujours impuni, parce que les intérêts de pouvoir priment sur la justice et que les intérêts financiers priment sur la vérité.

Mais la commémoration du génocide de 1915 partout dans le monde, plus de cent ans après qu’il a été commis, signale que, malgré les efforts de l’État coupable pour l’effacer, ce crime reste vivant dans la mémoire du monde, et restera à jamais comme une tache indélébile au front de la nation qui l’a commis.
Mais par les menaces qui pèsent sur l’existence de l’Arménie, ce jour de deuil prend une signification particulière. Cent ans après l’entreprise génocidaire de l’État turc, les rescapés de 1915 ont construit un État, ont recréé une démocratie, ont régénéré leur culture, redonné vie à leur langue. Après avoir consolidé son existence, l’Arménie s’est tournée vers l’Europe, avec pour objectif d’intégrer cet espace de liberté auquel elle appartient par son histoire, ses valeurs et ses aspirations. La renaissance de l’Arménie tient d’autant plus du miracle que cet État est seul pays démocratique du Caucase du Sud dans un océan de dictatures. Parce qu’elle est l’image de l’Europe, ce petit pays aux marges de l’Orient est menacé de disparition par l’Azerbaïdjan, aidée par la Turquie, et avec la complicité de toutes les autocraties régionales.

Il ne se passe pas un jour sans que la coalition des dictatures locales ne promette l’effacement de l’Arménie de la carte et l’éradication de son peuple de ses terres ancestrales. Aujourd’hui, pour les Arméniens comme pour tous les défenseurs des droits humains, il ne s’agit plus seulement de commémorer un génocide, mais d’en prévenir un.

À l’heure où cet îlot de démocratie est menacé de mort, dix ans après qu’à Marseille nous ayons demandé son entrée au Panthéon, Missak Manouchian, le résistant emblématique la Résistance française, repose enfin sous le dôme de la Patrie reconnaissante.

Plus qu’une coïncidence, cet hommage est un message. Face à la barbarie, il n’y a qu’une réponse possible, la Résistance. En ces journées de commémoration où des États clament publiquement leurs intentions génocidaires, il ne s’agit plus seulement de se souvenir, mais de se souvenir pour résister.

Soutenir l’Arménie n’est pas seulement un acte de solidarité envers un pays frère menacé de disparition.
C’est défendre le droit des individus à vivre libre.

L’Arménie est le dernier pays européen sur la route de l’Orient, c’est le premier pays européen que l’on rencontre sur le chemin du retour. C’est là-bas, aux frontières de cette Arménie menacée par la barbarie des dictatures qui l’entourent, que se joue l’avenir de l’Europe.

Les résistants de l’Affiche Rouge qui se battaient dans les rues de Paris occupé se trouvent aujourd’hui dans la plaine de l’Ararat. Le combat que mène l’Arménie contre son asservissement est le combat de l’Europe pour sa liberté. Aujourd’hui, c’est ce poste avancé de la démocratie au Moyen-Orient, l’Arménie, qui en paye le prix.

Par Pascal Chamassian et René Dzagoyan

Mouvement Missak Manouchian