Secrétaire général du mouvement Missak Manou-chian, Pascal Chamassian revient de Erevan. Un an après l’exode forcé de 120000 Arméniens, la paix ne progresse pas.

Le 19 septembre, après trois ans de blocus affamant la popula-tion, lui-même consécutif à un conflit armé en 2020 ayant fait plus de 5 000 morts, l’Azerbaïdjan envahissait le Haut-Karabakh. Les 120000 Arméniens vivant dans ce territoire frontalier stratégique et souvent disputé ont dû entasser ce qu’ils avaient sur une voiture ou le toit d’un bus et filer. Créé symboliquement le 21 février 2024, date de l’entrée au Panthéon de l’ancien résistant, le mouvement Missak Manouchian a pour objectif, explique son secrétaire genéral Pascal Chamassian, « de participer à la défense de l’Armée contre les pays totalitaires qui l’entourent. Mais aussi de répandre les valeurs de Missak et Mélinée Manouchiané ». Présidé par le cinéaste marseillais Robert Guédiguian, il organise notamment des formations en Arménie.

Un an après, quelle est la situation au Haut-Karabakh ?

Les 120 000 personnes ont été exilées, chassées de leur territoire. C’est une épuration ethnique. Il ne reste que quatre Arméniens là-bas. L’Arménie qui compte 3 millions d’habitants, a dû accueillir, du jour au lendemain, 100 000 personnes avec les conséquences sur le logement, l’éducation, etc.

20 000 ont poursuivi leur route vers l’étranger, dont la France et Marseille. Le patrimoine public et religieux a été détruit et les églises transformées en mosquées. Il y a une volonté d’effacer toute trace. Il y a, de plus, 27 prisonniers arméniens à Bakou qui sont surtout politiques.

Les anciens dirigeants arrêtés pendant l’exode risquent des peines à vie sans procès. Et la question du territoire n’est pas du tout réglée…

C’était une région autonome d’Union soviétique jusqu’au début des années 90 où les 99% d’Arméniens avaient obtenu leur autodetermination, par voie référendaire. L’Azerbaïdjan ne l’avait pas accepté et avait entamé une guerre remportée par les Arméniens. Mais le statut d’autonomie n’a jamais été reconnu. Des infrastructures et des relations économiques et diplomatiques se sont pourtant développées. Jusqu’à la guerre de 2020. Les pressions de l’Azerbaidjan, devenue puissance pétrolière influente et corruptrice, ont empêché tout règlement diplomatique.

Que veulent les Arméniens ?

Le droit au retour. Il est absolu et inaliénable, selon le droit international. Mais l’Azerbaïdjan impose une pression continue. Se joue, depuis le cessez-le-feu du 9 novembre, l’élaboration d’un traité de paix. Les Azéris font monter les enchères, y compris en demandant un couloir reliant sous leur contrôle leur pays à la Turquie, via l’Arménie. Mais l’Arménie ne lâche pas. Ni l’Iran, d’ailleurs qui a une frontière avec l’Arménie et se sait surveillée par Israël depuis des bases en Azerbaïdjan. Les provocations du dictateur azéri Aliev et son allié turc sont quotidiennes.

Quelles sont les réponses de la communauté internationale ?

Emmanuel Macron a encore évoqué cette question en introduction de son discours aux Nations Unies, mercredi soir. Mais la pression de la communauté internationale n’y fait rien.

Aliev n’en fait qu’à sa tête. Les relations de l’Arménie avec la Russie sont exécrables, surtout depuis qu’elle s’est tournée vers l’Occident. Le conflit n’a rien de régional. Mais ce dont il s’agit désormais, c’est la survie de l’Arménie. On est bien loin de la reconnaissance du génocide turc de 1915. Il y a urgence. On appelle par ailleurs au boycott de la COP29 qui doit avoir lieu à Bakou, la capitale azérie, du 11 au 22 novembre.

Comment sortir de cette tragédie?

Une des forces de l’Arménie, c’est sa diaspora. Pendant la guerre de 2020, l’Azerbaïdjan avait des armes dix fois plus puissantes et a expérimenté les drones dans le Haut-Karabakh.

Beaucoup craignent que le conflit reprenne parce que l’Azerbaïdjan veut des territoires et n’en former qu’un avec la Turquie. L’Arménie doit se préparer à se défendre avec l’aide de la diaspora. L’Inde et la France ont vendu des armes défensives. Notre mouvement a signé un protocole d’accord avec l’académie militaire arménienne pour former des cadets à l’école de Saint-Cyr en France. On leur apprend le français. On organise des formations aux premiers secours dans les villages frontaliers aussi.

 

Propos recueillis par François Tonneau pour La Provence.